Protection des bases de données : obligations légales et stratégies juridiques

Maîtriser ces enjeux juridiques est essentiel pour préserver durablement la valeur de vos données. Protection de la structure, droits des producteurs...
Protection juridique des bases de données

À l’ère du numérique, les bases de données sont un outil de travail essentiel pour bon nombre d’entreprises. Elles contiennent des informations précieuses déterminant la compétitivité et la pérennité des entreprises.

Afin de prévenir toute sorte d’abus, ces recueils d’informations doivent faire l’objet d’une protection légale renforcée.

Cet article propose une étude approfondie de l’univers parfois complexe des bases de données et de la réglementation y afférente.

Les enjeux juridiques liés à la protection des bases de données

Protéger une base de données implique de sécuriser un actif immatériel tout en préservant la tranquillité de l’entreprise qui la détient. La réglementation des bases de données contient une diversité de fondements juridiques. Une compréhension claire des dispositions légales en vigueur permet d’établir une protection efficace pour ces recueils de données.

Définition de la base de données

Une base de données est un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen (L.121-3 du code de la propriété intellectuelle).

Ce recueil de données permet un traitement ordonné et accessible des nombreuses informations.

Cadre légal de protection des bases de données

Le code de la propriété intellectuelle régit le droit des bases de données. La protection d’une base diffère selon la nature de l’objet à protéger. En effet, l’architecture de la base de données est couverte par le droit d’auteur tandis que son contenu est protégé par le droit des producteurs de bases de données.

  • Architecture de la base = droit d’auteur
  • Contenu de la base = droit des producteurs de bases de données

Protection de l’architecture de la base de données

L’architecture de la base de données est protégeable par le droit d’auteur. En effet, le code de la propriété intellectuelle reconnaît que les anthologies et recueils de données diverses sont des créations intellectuelles protégeables par le droit d’auteur.

Pour bénéficier de cette protection, la base de données doit avoir pris forme (il ne doit pas s’agir seulement d’une idée de base de données) et doit remplir la condition traditionnelle du droit d’auteur à savoir l’originalité, qui s’entend comme « le reflet de la personnalité de l’auteur », c’est-à-dire « l’empreinte d’un talent créateur ».

Protection du contenu de la base de données

Le contenu de la base de données est protégé par le droit des producteurs de bases de données. Il s’agit de protéger la communication de l’œuvre au public et, dans le cas d’un producteur, l’investissement consenti pour la création de la base.

Pour espérer bénéficier de la protection du droit des producteurs de bases de données, trois conditions cumulatives sont à réunir :

1. l’existence d’un producteur de bases de données

2. la réalisation d’un investissement financier, matériel et  humain

3. l’investissement doit présenter un caractère substantiel (quantitatif et qualitatif) 

La protection offerte par le droit des producteurs de bases de données s’exerce indépendamment de la protection relative au droit d’auteur.

La titularité des droits

Par principe, les droits d’auteur appartiennent à l’auteur, peu important son statut (ex : salarié, freelance, stagiaire, etc.)

En pratique, les bases de données sont souvent le fruit d’un travail collectif. Ainsi, dans certains cas, ces recueils de données peuvent être qualifiés d’œuvre collective ou d’œuvre de collaboration.

La titularité des producteurs de bases de données est dérogatoire aux règles classiques du droit d’auteur puisque les droits sont attribués au producteur. 

Les droits conférés

L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre d’un droit de propriété incorporelle comportant :

  • des droits patrimoniaux (cessibles)
  • des droits moraux (incessibles)

Contrairement aux prérogatives accordées par le droit d’auteur, le producteur d’une base de données ne dispose que de droits patrimoniaux :

  • autorisations : transmission de droits, cession de droits…
  • interdictions : reproduction, extraction, réutilisation…
  • exceptions : fin privée, conservation, recherche, formation…

La durée de protection offerte

Selon que la base de données est protégée par sa structure ou son contenu, la durée de protection dont elle bénéficie n’est pas la même.

Lorsque l’architecture de la base de données répond à toutes les conditions pour être protégeable par le droit d’auteur, elle se verra offrir la durée de protection classique en la matière :

  • droits patrimoniaux : toute la vie de l’auteur et jusqu’à soixante-dix ans après sa mort
  • droits moraux : perpétuels

Lorsque le contenu de la base de données respecte les conditions de protection du droit des producteurs de bases de données, il est alors protégé pour une durée de 15 ans après le 1er janvier de l’année civile suivant celle de :

  • l’achèvement de la base
  • la mise à disposition du public de la base
  • tout nouvel investissement substantiel dans la base

Focus sur le RGPD 

Il arrive qu’une base de données ait à traiter des données personnelles. Dans cette hypothèse, le détenteur du recueil de données doit se conformer aux obligations mentionnées dans le RGPD.

Règlement Général sur la protection des données

Le RGPD constitue le socle de la protection des données personnelles. Il en définit les principes directeurs :

  • licéité
  • transparence
  • minimisation et sécurité des données
  • durée de conservation limitée

Il octroie aux personnes concernées des droits individuels importants comme le droit d’accès, de rectification ou d’effacement. Les entreprises sont tenues de respecter scrupuleusement ces règles, au risque de se retrouver dans l’illégalité.

Le RGPD impose qu’un traitement de données soit justifié par une base légale précise :

  • consentement explicite
  • obligation contractuelle ou légale
  • intérêt légitime

Les principes directeurs visent à éviter la collecte massive et indifférenciée d’informations.

Focus sur les logiciels et l’agence pour la protection des programmes (APP)

Si la base de données implique le développement d’un logiciel pour la collecte, la conservation et/ou l’exploitation des données, la protection du logiciel est possible par le droit d’auteur.

Un dépôt du code source auprès de l’APP (Agence de Protection des Programmes) permet de donner une date certaine à la création numérique et d’en archiver un exemplaire de façon sécurisée.

Bonnes pratiques pour protéger les bases de données

Pour protéger efficacement votre base de données, il est souhaitable de recourir à différents mécanismes tout au long du processus de création.

  •  Avant :

Pensez à intégrer des clauses « propriété intellectuelle » et de « confidentialité » dans les contrats de travail de vos équipes et dans les contrats avec vos partenaires.

Une clause semblable peut être incluse dans vos conditions générales de vente (CGV) et conditions générales d’utilisation (CGU).

  • Pendant :

Il est essentiel de se préconstituer des preuves (commissaire de justice, APP, enveloppe Soleau) et de documenter le plus possible sa création par écrit.

Le recours à l’horodatage ou à une blockchain est un moyen efficace pour antérioriser vos actions.

Vous pouvez également mettre en place des mesures techniques de protection (MTP).

  • Après :

Une vérification de la titularité des droits s’impose, notamment si vous songez à une cession de droits.

Vos clients doivent être informés de l’existence de leurs droits par l’intermédiaire de vos CGV et/ou CGU.

Il est nécessaire de procéder régulièrement à des mises à jour et sauvegardes de votre base de données.

Conclusion

La protection d’une base de données reste un sujet technique. Pour en comprendre tous les enjeux, il est fondamental de bien différencier les dispositions relatives à la protection de l’architecture de la base de celles relatives à son contenu. De cette distinction découlent des différences de régimes quant à la titularité des droits, la nature des droits conférés et la durée de protection.

Une fois cette distinction comprise, il devient alors plus facile d’envisager la protection de sa base avec sérénité. 

N’hésitez pas à nous contacter si vous avez constitué une base de données que vous souhaitez protéger. 

5/5 - (1 vote)
Table des matières
Consultation juridique personnalisée

Rencontrez Maître Chamfeuil pour une analyse sur mesure de votre situation et bénéficiez d’une expertise juridique adaptée à vos besoins. Notre cabinet à Bordeaux est prêt à vous accompagner dans vos démarches et vos défis juridiques.

Partager :
Droits d’auteur et MOOCs
Analyse juridique des enjeux pour les ressources éducatives en ligne et les MOOCs
Avec l’essor des MOOCs (Massive Open Online Courses), la question de la protection des ressources éducatives et de leur diffusion est devenue centrale. Entre droits ...
Découvrir →
Protection juridique des bases de données
Protection des bases de données : obligations légales et stratégies juridiques
Maîtriser ces enjeux juridiques est essentiel pour préserver durablement la valeur de vos données. Protection de la structure, droits des producteurs...
Découvrir →
obligation-redaction-cgv-avocat-bordeaux
Le rôle des Conditions Générales de Vente
Les Conditions Générales de Vente (CGV) structurent la relation entre vendeur et acheteur en garantissant la sécurité et la transparence des échanges. Indispensables dans un ...
Découvrir →