La rupture des relations commerciales est une situation assez courante que tous les entrepreneurs peuvent rencontrer au cours de la vie de leur société.
De la liberté contractuelle découle en effet le libre choix de ne pas contracter, en vertu de l’article 1102 du Code civil selon lequel « Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. »
Cependant, la liberté contractuelle peut se voir opposer le caractère abusif de la rupture des relations commerciales, car en affaires tous les comportements ne sont pas permis !
Un régime spécial prévu par le Code de Commerce
En matière juridique, la règle est claire : un régime général ne s’applique pas en présence d’un régime juridique spécial.
Or, l’encadrement de la rupture des relations commerciales prévu par l’article L442-1 II du Code de commerce constitue un régime spécial.
Ainsi, lorsque les conditions prévues par cet article sont remplies, le droit des obligations issu du Code civil – et donc le régime général du droit des contrats – cède sa place.
Cet article, issu dans sa nouvelle rédaction de l’ordonnance du 24 avril 2019 n°2019-359, prévoit les conditions dans lesquelles la rupture commerciale est qualifiée d’abusive permettant d’engager la responsabilité de l’auteur de la rupture et d’obtenir réparation de son préjudice :
« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.»
« En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.»
« Ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.»
Les conditions d'engagement de la responsabilité
La condition préalable à démontrer : une relation commerciale établie
Une relation commerciale est un ensemble de rapports juridiques et économiques entre deux professionnels exerçant des activités de production, de distribution ou de services.
Selon la jurisprudence, cette relation commerciale peut être qualifiée d’établie même en l’absence d’« échange permanent et continu entre les parties », ajoutant qu’une « telle relation peut être caractérisée par une succession de contrats ponctuels lorsqu’il en résulte une relation commerciale régulière, significative et stable » (Cass. com. 15 septembre 2009 n°08-19.200).
Le critère prépondérant est donc le fait que cette relation commerciale s’inscrive dans la durée de manière continue et régulière, se matérialisant en pratique par la conclusion de contrats successifs.
La qualification de rupture abusive
La rupture est sanctionnée dans le cadre d’une relation commerciale établie lorsqu’elle est abusive ou brutale.
Dès lors que le comportement fautif génère un préjudice, il engage la responsabilité du professionnel à l’initiative de la rupture sur le fondement de l’article L442-1 II du Code de commerce.
Le non-respect de la durée du préavis :
Selon l’article L442-1 II du Code de commerce, la rupture est autorisée si un préavis écrit est respecté tel que prévu dans le contrat ou selon les usages commerciaux ou accords interprofessionnels.
Toutefois, ce préavis doit être raisonnable et proportionné à la durée de la relation commerciale.
Les Tribunaux considèrent que : « le délai de préavis suffisant doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement» (CA Paris, Pôle 5, Chambre 5, 17 décembre 2020, n°17/23168).
Au-delà de la question de la durée du préavis, les critères suivants sont à prendre en compte pour déterminer le caractère suffisant du délai accordé : « l’ancienneté des relations, le degré de dépendance économique (entendu comme la part du chiffre d’affaires réalisé par la victime avec l’auteur de la rupture), le volume d’affaires réalisé, la progression du chiffre d’affaires, les investissements effectués, les relations d’exclusivité et la spécificité des produits et services en cause » (CA Paris, Pôle 5, Chambre 4, 14 décembre 2022, n° 21/00642 ; CA Paris , Pôle 5, Chambre 4, 17 mai 2023 n°20/17785).
C’est donc également l’intensité de la relation commerciale établie qui détermine si un délai suffisant a été respecté avant la rupture.
A l’inverse, en cas de non-respect du préavis, la rupture est qualifiée d’abusive.
Une exception demeure aux termes du dernier alinéa de l’article L442-1 II du Code de commerce, permettant la résiliation du contrat sans préavis : en cas d’inexécution suffisamment grave de ses obligations par le cocontractant, la rupture de la relation commerciale peut intervenir sans respect d’un délai de préavis raisonnable sur le fondement des articles 1217 et suivants du Code civil.
La rupture partielle sans préavis :
La rupture abusive peut également résulter d’une rupture partielle (et sans préavis) des relations commerciales établies, s’analysant au cas par cas.
Selon la jurisprudence, une rupture partielle suppose « une modification substantielle de la relation d’affaires» (Com., 31 mars 2021, n°19-14-547).
Par exemple, il peut s’agir « d’une diminution significative et volontaire des commandes (Com., 19 octobre 2022, n°21-17653), « d’une perte effective, significative et durable de chiffre d’affaires » (Com.6 avril 2022 n°21-10.265) ou encore « d’une modification substantielle des conditions contractuelles, notamment tarifaires » (Com., 19 octobre 2022, n°21-22802).
Les sanctions en cas de rupture abusive des relations commerciales
La rupture restant autorisée dans le cadre des relations commerciales, c’est la brutalité de la rupture qui est sanctionnée.
Comme le critère principal de la brutalité est le non-respect de la durée du préavis, l’indemnisation du préjudice est évaluée au regard de la durée du préavis qui aurait dû être respecté dans le cadre de la relation commerciale.
Elle correspond en général au manque à gagner en termes de chiffre d’affaires pour la société victime de la rupture ainsi qu’à la marge brute qui était attendue.
La compétence spéciale des juridictions commerciales
Le contentieux de la rupture abusive des relations commerciales n’est traité que par les Tribunaux de Commerce et plus particulièrement par huit Tribunaux de Commerce en France : Bordeaux, Lyon, Paris, Marseille, Rennes, Nancy, Tourcoing et Fort-de-France.
La Cour d’Appel de Paris est la seule juridiction d’appel en charge du contentieux de la rupture abusive des relations commerciales établies.
Conclusion
Situé dans le ressort de la juridiction bordelaise, le cabinet CHAMFEUIL vous accompagne pour faire valoir vos droits directement devant le Tribunal de Commerce de BORDEAUX en cas de rupture abusive des relations commerciales établies.
Le cabinet CHAMFEUIL peut également intervenir devant tout autre Tribunal de Commerce compétent en s’adjoignant les services d’un postulant.