Dans un monde numérique où le contenu est roi, la gestion des droits d’image prend une importance capitale. Parmi les acteurs majeurs dans la surveillance des droits d’auteur sur Internet, certaines sociétés comme les sociétés PicRights ou Rights Control se démarquent en collaborant avec l’Agence France-Presse (AFP) ou l’Agence Sucré Salé pour traquer l’utilisation non autorisée d’images. Cette alliance suscite des controverses, notamment à cause des menaces de poursuites envoyées à de multiples utilisateurs présumés en infraction. Cet article vise à procurer une compréhension claire de ces litiges, les entrepreneurs n’ayant pas toujours conscience de la situation dans laquelle ils se retrouvent placés.
Comprendre les litiges de copyright trolling
Il existe des sociétés décrites comme des « copyright trolls » qui sont spécialisés dans la recherche de compensations financières pour l’utilisation non autorisée de contenus protégés par le droit d’auteur. Cette pratique, connue sous le nom de « copyright trolling », a été jugée par la Cour de justice de l’Union européenne comme un abus de droit. Elle consiste pour une entreprise à utiliser le droit d’auteur non pas pour protéger les intérêts économiques des créateurs, mais pour générer des revenus à partir de la constatation de violations de ces droits.
Définition du copyright trolling
Le copyright trolling est une activité commerciale qui vise à obtenir, souvent par la menace, des compensations financières pour l’utilisation d’œuvre soumis au droit d’auteur (la plupart du temps des photographies). Cette technique repose sur une recherche algorithmique permettant d’identifier les utilisations non autorisées d’images et autres contenus protégés sur Internet. Lorsque aucune licence n’est détectée au nom de l’éditeur du site, un processus de réclamation s’engage pouvant aller jusqu’à la menace de poursuites judiciaires. La Cour de justice de l’Union européenne a souligné que, bien que littéralement légale, cette pratique exploite les atteintes aux droits d’auteur pour créer une source de revenus, détournant ainsi le droit d’auteur de ses objectifs initiaux.
Que dit la loi sur les droits d’auteur ?
Le droit d’auteur protège les œuvres de l’esprit dès leur création sous certaines conditions, procurant une protection juridique à diverses formes d’expression artistique et intellectuelle. Cette protection s’étend aux œuvres littéraires, graphiques, sonores, audiovisuelles, musicales, et même aux logiciels et créations de mode.
Propriété intellectuelle et originalité
- Acquisition du droit d’auteur:
Le droit d’auteur est acquis automatiquement sans formalités dès la création de l’œuvre dès lors lors que celle-ci a pris forme (= les idées/concepts ne sont pas protégeables). Cela signifie que l’œuvre est protégée dès qu’elle est réalisée, quelle que soit sa forme d’expression, son genre, son mérite ou sa destination. - Protection de l’originalité:
Pour bénéficier de la protection du droit d’auteur, une œuvre doit être originale, c’est-à-dire qu’elle doit refléter la personnalité de l’auteur et être le résultat de son propre effort créatif. L’originalité est donc une condition essentielle pour que les créations soient protégées par le droit d’auteur. - Preuve de création:
En cas de litige, l’auteur doit être en mesure de prouver la date de création de son œuvre. Des moyens comme le service e-Soleau, le dépôt chez un officier ministériel ou l’enregistrement auprès d’une société d’auteurs peuvent constituer des preuves de la date de création.
Application aux photographies
- Critères d’originalité pour les photographies :
Les photographies peuvent être protégées par le droit d’auteur si elles sont originales, càd qu’elles portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur. Les critères incluent les choix créatifs tels que l’angle de vue, le cadrage, le jeu des lumières et la mise en scène. Ces éléments doivent démontrer la touche personnelle de l’auteur et pas uniquement l’utilisation d’un savoir-faire. - Limites de la protection :
Une photographie sans apport créatif notable peut ne pas être considérée comme originale. Des Tribunaux ont ainsi refusé de protéger un photographe qui avait pris des photographies lors d’un match de football au motif qu’il n’avait choisi ni son emplacement, ni le sujet, ni le jour/l’heure des photographies…
Ces principes fondamentaux du droit d’auteur assurent que les créateurs peuvent contrôler l’utilisation de leurs œuvres et obtenir une rémunération pour leur utilisation tout en contribuant à la richesse culturelle et intellectuelle globale.
Comment réagir face à une mise en demeure
Vérification des droits d’utilisation
Lorsque vous recevez une mise en demeure d’une société se présentant comme cessionnaire des droits d’auteur d’un photographe, il est crucial de vérifier immédiatement si la société en question détient les droits sur la photographie concernée. Il ne faut pas hésiter à demander des preuves concrètes du transfert des droits par le photographe (durée, territoire, étendue…). Si la société ne peut pas justifier de sa titularité sur les droits en question, elle ne peut légalement exiger aucun paiement de votre part.
Vérification de l’originalité
Ensuite, il convient d’examiner le caractère original de la photographie en cause. Il faut ici se poser la question de l’effort créatif réalisé par le photographe pour déterminer si la photographie peut réellement être protégées par le droit d’auteur. Si l’image ne remplit pas ces critères d’originalité, il ne faut pas hésiter à contester la validité de la revendication.
Retrait de l’image
Si vous avez utilisé une image sans autorisation, il est conseillé de la retirer immédiatement de votre site ou de vos supports. Cela peut potentiellement atténuer les demandes d’indemnisation et montrera votre bonne foi dans la résolution du conflit.
Évaluation du bien-fondé de la demande d’indemnisation
Une fois ces étapes réalisées, il convient d’analyser si la somme qui vous est demandée est proportionnelle à l’utilisation de l’image. Les demandes excessives non-justifiées doivent être contestées. Il est toujours possible de tenter de négocier un règlement amiable.
Analyse des preuves
Ces sociétés font rarement appel à des commissaires de justice pour constater de façon légale les agissements reprochés. Même si le constat d’un commissaire de justice (anciennement huissier de justice) n’est pas une obligation légale en la matière, il constitue malgré tout un élément de preuve solide contre lequel il est difficile de lutter. À l’inverse, une capture -parfois peu lisible- peut ouvrir la voie à une contestation.
Négociation ou contestation
Après avoir réalisé toutes ces étapes, plusieurs options s’offrent à vous :
- Négocier un règlement équitable : Si vous reconnaissez l’utilisation non autorisée de l’image et son originalité, et que vous avez obtenu la preuve que la société qui réclame une indemnisation détient bien les droits nécessaires, il peut être judicieux de négocier un montant de compensation qui reflète l’usage réel qui a été fait de l’image. Il faudra alors mettre en avant, par exemple, le fait que l’image n’a pas été utilisée pendant une longue période, qu’elle ne figure pas sur la page d’accueil de votre site internet, qu’elle a été reproduite en petit format…
- Contester la réclamation : Si vous estimez que l’image n’est pas originale ou que la preuve de la titularité des droits n’est pas apportée, vous pouvez contester la réclamation. Cela peut nécessiter l’assistance d’un avocat en droit de la propriété intellectuelle pour préparer votre défense.
Ces étapes fournissent une base solide pour répondre efficacement aux réclamations qui vous sont adressées et protéger vos droits tout en respectant ceux des créateurs d’images.
Consultation juridique
Afin de mettre plus de chances de votre côté d’obtenir la résolution de ce litige, il est fortement recommandé de consulter un avocat. Il pourra vous procurer un avis éclairé, vous aider à préparer votre défense et vous représenter si nécessaire lors des procédures judiciaires.
Actions légales et implications
Les fondements juridiques du trolling
Le phénomène de copyright trolling repose sur une exploitation abusive des droits d’auteur où des sociétés souvent domiciliées à l’étranger utilisent des menaces de poursuites judiciaires pour obtenir des concessions financières sans nécessairement détenir un mandat légitime ou prouver l’originalité de l’œuvre concernée.
Décisions judiciaires pertinentes
Les tribunaux européens abordaient fréquemment les abus liés au copyright trolling, en définissant clairement les limites de cette pratique. Les jugements récents renforcent la nécessité d’une approche éthique dans l’application du droit d’auteur et mettent en garde contre les manipulations qui pourraient nuire à la protection des créateurs.
- Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne : En juin 2021, la CJUE a jugé que bien que le copyright trolling puisse techniquement être conforme à la loi, il devient abusif si l’entité ne peut prouver ni la légitimité de son mandat ni l’originalité de l’œuvre. Cette décision souligne que de telles pratiques doivent être examinées minutieusement pour éviter les abus de droit.
- Jurisprudence nationale : Les Tribunaux et Cours d’appel en France jouent également un rôle crucial en précisant les critères d’originalité nécessaires pour la protection par le droit d’auteur. Ces décisions aident à établir un cadre juridique plus clair pour distinguer les actions légitimes de la protection des droits d’auteur des tentatives de copyright trolling.
Ces développements juridiques sont essentiels pour maintenir un équilibre entre la protection des droits des créateurs et la prévention des abus.
Conseils pour éviter les litiges futurs
Vérification des droits
- Choix de la banque d’images: Il est essentiel de sélectionner soigneusement la banque d’images qui répond le mieux à vos besoins. Certaines plateformes proposent une vaste sélection d’images que vous pouvez utiliser sans risque.
- Vérification des licences : Chaque image téléchargée doit être accompagnée d’une licence claire et précise spécifiant les conditions d’utilisation. Certaines images peuvent nécessiter la mention du nom de l’auteur d’une certaine façon. Certaines images peuvent être assorties de restrictions telle que l’interdiction d’usage commercial. Il convient de ne pas passer à côté de ces indications.
- Utilisation conforme aux règles : Il est important de toujours respecter les termes de la licence associée à l’image. Par exemple, si une image est accompagnée d’une licence prévoyant uniquement une utlisation non commerciale, elle ne doit pas être utilisée dans des campagnes publicitaires ou des boutiques en ligne.
Réflexes additionnels pour l’utilisation des images
- Consentement pour l’utilisation d’images personnelles : Lorsque vous utilisez des images reproduisant des personnes physiques, assurez-vous d’avoir obtenu leur consentement explicite. L’accord écrit doit détailler comment l’image sera utilisée et pendant combien de temps.
- Création de visuels originaux : Créez vos propres images à l’aide de logiciels de création graphique. Cela vous assurera que vos visuels sont uniques et ne portent pas atteinte aux droits d’autrui.
- Documentation et preuves de consentement : Gardez une trace écrite de tous les accords de consentement et des licences d’image. Cela peut être crucial en cas de poursuite sur les droits d’utilisation.
- Éducation et formation : Sensibilisez votre équipe ou vos collaborateurs aux enjeux du droit d’auteur et aux bonnes pratiques d’utilisation des images. Une compréhension claire de ces aspects peut réduire significativement les risques de litiges.
En suivant ces conseils, vous pouvez minimiser les risques de litige et maintenir une utilisation conforme des ressources visuelles.
Engager un avocat pour faire valoir vos droits
Face aux défis complexes du copyright trolling, il est crucial d’avoir à ses côtés un soutien juridique fiable et expérimenté. Le Cabinet Chamfeuil propose une expertise approfondie en droit de la propriété intellectuelle et en litiges liés aux droits d’auteur.
Si vous êtes confronté à des réclamations pour l’utilisation non autorisée d’images ou d’autres contenus, n’hésitez pas à nous contacter. Nous vous aiderons à vérifier la légitimité des demandes adverses, à évaluer l’originalité des œuvres concernées, à négocier une issue amiable ou à défendre vos droits en cas de contentieux judiciaire. Nous travaillerons à prévenir les abus de droit et à assurer que les droits d’auteur servent leur véritable objectif de protection des créateurs.
Avant toute chose, nous nous tenons à votre disposition pour vous fournir une consultation personnalisée sur le litige qui vous préoccupe.